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La mutation génétique de LinkedIn

En quoi les évolutions sociétales changent profondément ce réseau professionnel

21 octobre 2020

Démarchages commerciaux, propos parfois incongrus, mails intrusifs, demandes de contacts impromptues, échanges agressifs, messages politiques, "twitterisation" et "facebookisation" de prises d'opinions ... LinkedIn traverse une période déroutante pour ceux qui pratiquent, et comme moi apprécient, cet exceptionnel réseau professionnel.

Je ne suis pas un nostalgique du passé. Bien au contraire, je travaille sur les stratégies du changement et les univers disruptifs. De plus, œuvrant sur le Networking et son efficacité depuis maintenant près de 10 ans, et ayant accompagné sur ce sujet plus d'une centaines de Dirigeants, je sais parfaitement que tout réseau est amené à évoluer. Et tant mieux, c’est excellent, car qui n’avance pas recule …

Donc, toute évolution, toute transformation d’un réseau, virtuel ou réel, privé ou professionnel, est à mes yeux souhaitable comme bienvenue. Je les soutiens et les promeus effectivement, par principe comme par convictions. Je bouscule même certains réseaux réels, qui pourraient tomber dans la routine ou sentir la naphtaline. Ça existe !

L’objet de mon propos est plus de relever, bien au-delà des formidables évolutions de LinkedIn, que je salue et reconnais, une profonde mutation de ce qu’il s’y passe. Cette (r)évolution, plurielle et diverse, génère de plus en plus de commentaires, voire même certaines velléités de départ. Au-delà de nouvelles fonctionnalités, des évolutions technologiques, de nouveaux « espaces », de services innovants, LinkedIn vit en ce moment une très forte évolution, une transformation profonde de son usage, au travers de nos comportements aux uns comme aux autres.

Cette formidable transformation, partiellement due au succès planétaire de ce réseau, le transforme tellement que je me permets, bien au-delà du mot « transformation », de parler de « mutation génétique ». Vivons-nous une transformation de l'ADN originel de LinkedIn ? Arrêtons-nous donc quelques instants sur les faits, avant de réfléchir ensemble sur leurs conséquences.

Les faits et phénomènes

La montée du harcèlement commercial

Personnellement, j’ai toujours, tout au long de ma vie professionnelle, été un adepte du « No haggle, no hassle », et ai incité les entreprises et organisations successives où j’ai travaillé à faire de même. Le vrai Boss d’une entreprise, c'est son client, son réseau de clients. Donc, pas de place aux sur-sollicitations commerciales.

C’est comme cela que LinkedIn a vécu durant 10 à 12 ans. Depuis quelques années, l’introduction de nouvelles formes de ciblage, payantes pour ceux qui les utilisent, génère la réception d’In-mails de propositions commerciales mal ciblées, et énervantes. Je reçois personnellement une dizaine de telles sollicitations de ce type chaque semaine, de même pour un certain nombre de personnes de mon réseau.

Ce harcèlement est bien évidement refoulé, aux dépens d’ailleurs de leurs malheureux initiateurs, mais la complexité des préventions de LinkedIn (culture Microsoft ?) est telle que cette digue de sable ne prévient pas de toutes les vagues. LinkedIn devra ici choisir entre la culture réseau et le business.

Les « Twitterisation » et « Facebookisation » de LinkedIn 

C’est un phénomène de société, à l’échelle mondiale : l’expression spontanée de toute une cohorte d’expressions, de commentaires, opinions, …qui vont du futile au déplacé, et du politiquement correct à la provocation.

Le président US montre l’exemple, qui use et abuse de Twitter depuis des années. Cette vague touche maintenant également LinkedIn, facilitée par les offres commerciales comme par l’utilisation de nos smartphones. L’application LinkedIn étant en effet différente entre un smartphone, une tablette et un PC, génère et encourage cette « Twitterisation » et « Facebookisation » de LinkedIn, dont la plus stupide des expressions est le pouce levé, qu’utilisent beaucoup (trop) d’entre nous, de façon trop fréquente. Moi y compris. A mon humble opinion, être et vivre en réseau sur LinkedIn correspond, ou devrait correspondre, à d’autres activités et valeurs que de distribuer 5 à 10 pouces bleus par jour, selon votre humeur.

La solution : se freiner, et utiliser le PC (qui permet également d’autres qualificatifs comme l’applaudissement, l’ampoule, la réflexion inspirante, …) afin de nuancer et surtout de qualifier un peu plus les opinions.

LinkedIn devrait donc modifier son appli smartphone dans ce sens, comme faire un peu de culture réseau.

L’inflation exponentielle des demandes de contact

La progression fabuleuse du nombre de membres n’est pas une plaie en soi, car elle a permis la fabuleuse croissance de ce réseau, qui atteint à date environ 550 millions de membres dans le monde, dont près de 16 millions en France, et quasiment autant au Canada.

Le problème est qu’elle s’accompagne d’un corolaire désagréable : l’inflation, réellement exponentielle, des demandes de contact. De l’étudiante chinoise au chef d’entreprise argentin à la recherche de croissance, du Rastignac provincial en mal de contacts parisiens au Start-uper qui recherche de l’aide, cela plane pour tous … Il suffit que vous ayez un tant soit peu de visibilité (posture souhaitable sur un réseau professionnel … !) et vous croulez sous un flux de demande.

Je pratique personnellement deux politiques en parallèle. D’une part, je refuse d’entrée de jeu les farfelus, indésirables ou demandes inopportunes (et il y en a sur LinkedIn !), et d’autre part j’adresse un mail aux autres en leur demandant de justifier un tant soit peu leur demande. Pas de retour dans les 10 jours ? demande rejetée et flagguée. Très efficace !

De plus, je fais régulièrement le ménage, me sépare des contacts nocifs ou toxiques, et surtout retire des contacts inutiles. Travail de fourmi, certes, mais à la valeur qualitative élevée.

N’allez pas me prendre pour un bêcheur ou un crâneur : il s’agit simplement de ne pas laisser rentrer tout le monde et n’importe qui dans VOTRE réseau. Notoriété, image, … et seuil sont en jeu. Seuil ? Oui, LinkedIn bloque votre nombre de contacts à 30.000. A accepter tout le monde, vous serez vite à la limite.

L’inflation des informations sur votre flux quotidien d’informations

Sous la rubrique « Accueil » de votre barre d’accueil, et symbolisée par une petite maison, se trouve votre flux quotidien d’informations. Une idée superbe et géniale : à l’origine, il ne correspondait qu’à l’actualité de vos contacts, des personnes et entreprises que vous aviez décidé de suivre, et à l’activité de vos groupes. J’y rajoute les hashtags suivis. Cela fait déjà beaucoup !

A l'heure actuelle, s’y ajoutent dans le désordre publicités et promotions, sollicitations et suggestions diverses. Le tout avec un filtrage pour le moins aléatoire de l’algorithme, qui travaille visiblement plus pour les intérêts financiers de LinkedIn que pour votre réelle information. J’y ajoute l’impossibilité de faire fonctionner correctement les 2 options possibles : classement temporel (le plus récent en premier) et classement contextuel (ce qui devrait le plus vous intéresser).

Le résultat : de plus en plus de monde abandonne la consultation quotidienne de ce qui était une perle, et représentait une réelle valeur ajoutée de LinkedIn. Très très dommage.

Un remède partiel ? Débrancher les flux inintéressants, flagger les informations inutiles,…et prier.

La croissance des « anonymes » et des faux profils

Il ne faut pas confondre vrais et faux anonymes. Le jour où je déciderais de prendre une posture plus discrète, voire confidentielle, une fonctionnalité de LIN me permet de passer « pour l’extérieur » d’Eric Le Gendre en Eric L. Pratique et intelligent.

Non, quand je parle d’anonymes, je parle des « vrais anonymes » : ceux, et celles, qui ont un nom d ‘emprunt, un faux nom, le nom de leur société. Cette activité, cette attitude, cette démarche sont particulièrement malsains sur un réseau professionnel.

Encore pire, les faux-profils. Ils ont toujours existé sur LinkedIn, qui d’ailleurs dès le début il y a quinze ans, disposait d’un processus d’alerte, et de suppression de compte.

A titre personnel, je ne les accepte pas, ou si je les trouve dans mon réseau LinkedIn, je les éjecte immédiatement. La qualité prime la quantité. Le don et la transparence priment la dissimulation et les paravents.

La montée des phénomènes sociétaux, politiques et religieux

Longtemps, ces trois catégories de sujets ne polluaient pas LinkedIn. Seuls, des sujets de géopolitique venaient baliser notre activité et notre temps passé sur ce réseau.

Or, depuis 2-3 ans, ils émergent, prennent de l’importance, envahissent LinkedIn. Qui fait au passage preuve d’une totale indifférence à la bonne maitrise des sujets. Tout comme Facebook d'ailleurs, ce qui est reproché à Mark Zuckerberg.

Cela s’avère dangereux et néfaste. Dangereux car il allume des prises d’opinions, dans un monde déjà bien bouleversé, là où il ne devrait pas y en avoir. Néfaste dans le sens où elles génèrent des débuts d’oppositions voire des altercations sur un espace qui est dédié à tout et à beaucoup, mais pas à cela.

A mon humble opinion, il serait très important d’essayer de freiner (bannir étant impossible) ces expressions politiques et religieuses sur le réseau.

Au passage, et en transversal de toutes ces observations, signalons que « Gold ou bleu : même combat » : ces phénomènes touchent également les Premium, qui ne sont pas plus protégés que d’autres.

Les conséquences et les solutions

Malheureusement pour nous toutes et tous, je vois et observe de plus en plus de personnes qui envisagent de quitter LinkedIn. Mais pour aller où ? 

Je pense qu’un réseau social, bien au-delà de la responsabilité de ses propriétaires (en l’occurrence Microsoft), ou de son Management (Jeff Weiner et ses équipes, que je salue ici amicalement) est une sorte de bien collectif, de « maison commune », où chacun est également responsable de ce qu’il y fait, y dit, … ou pas ! De ses comportements comme de ses refus.

C’est donc à nous toutes et tous de nous prendre en mains, et d’introduire, tant dans nos pratiques personnelles que collectives, une sorte d’éthique, de bienséance, de bienveillance, …et de rester focalisé sur l’objectif : participer à la vie d’un réseau professionnel de qualité, et efficace, à l’échelle mondiale. Et d'être extrêmement vigilants sur cette Twitterisation/Facebookisation générée par nos "pouces" sur nos smartphones.

Et à LinkedIn de nous faciliter la tâche en permettant de bloquer plus facilement les sollicitations indésirables, les harceleurs, les incontinents du web …Les erreurs stratégiques majeures de réseaux comme Facebook ou Viadéo devraient être mieux analysées par les stratèges de Sunnyvale. N’oublions pas le proverbe de base : « Qui trop embrasse, mal étreint ».

Si LinkedIn ne réagit pas, alors quelqu’un sur la planète disruptera LinkedIn, et réinventera un nouveau type de réseau social professionnel, propre et transparent.

Je suis optimiste. LinkedIn va se ressaisir, retravailler certaines fonctionnalités, resserrer les mesures protectives de ses membres, et rechercher la qualité. Et nous, nous allons tous accompagner le mouvement, en nous autorégulant. La maison commune qu’est ce formidable et unique réseau de business sera ainsi préservée.

Merci du temps que vous avez consacré à cette opinion. Et partagez donc la vôtre ci-dessous ! Et on en reparle ?